Après avoir accueilli ces dernières saisons l’entier ou presque de la crème des grands ensembles classiques de Suisse romande, de l’OCL à l’OSR, de la Geneva Camerata à celle de Lausanne, en passant par l’EVL et le Sinfonietta (qui reviennent d’ailleurs au Théâtre du Jorat en 2018), il était séduisant de recevoir nos réputés voisins de l’Orchestre des Pays de Savoie. Il s’associe avec l’Orchestre Symphonique de Mulhouse pour un projet maousse intitulé L'Arche russe.
Le programme se compose de deux œuvres majeures du répertoire. Elles ont été écrites par deux génies à une étape cruciale de leur existence.
Chez Dimitri Chostakovitch, l’œuvre symphonique, plus officielle et extravertie, semble opposée
à l’art intériorisé du quatuor ; elle reflète les affres de la guerre ou les difficultés des proches qui l’entourent. A la fin de la guerre, en 1945, avec le Troisième Quatuor et la 9e Symphonie,
ce rapport semble s’inverser. Chostakovitch, dans la plus modeste de ses quinze symphonies, s’ingénie à ne pas écrire la grande célébration attendue. Nulle surprise que les mânes classiques de Haydn et de Mozart accompagnent cette période charnière, soucieuse de rendre hommage aux petites gens plus qu’aux héros de la victoire.
Davantage dans la grande tradition romantique du thème du « destin », la 6e Symphonie de Piotr Illitch Tchaïkovski, dite « Pathétique », allait se révéler véritablement testamentaire, puisque le compositeur mourut peu après en avoir dirigé la création. Enchâssé par deux Adagio, le discours dévoile l’âme terriblement mouvementée du compositeur, dans un langage absolument maîtrisé, au pouvoir hypnotique, développant un « charme » au sens magique du terme.
Ces deux œuvres vont sans doute faire résonner la Grange sublime comme rarement.