La malice humaniste d’un grand Vaudois
Jean Villard-Gilles (1895-1982). Pour plus d’une génération, ce nom évoque d’emblée La Venoge, poème mémorisé sur les bancs d’école, rite de passage à l’appropriation de nos «origines» vaudoises. On ajoutera d’emblée Les trois cloches, peut-être Le bonheur et très vite, on figera les images du chanteur sur ses prestations avec Albert Urfer dans les théâtres de «chez nous».
Gilles quitte Paris à l’âge de soixante-quatre ans, après y avoir mené sa vie d’artiste, exception faite de la parenthèse du Coup de Soleil à Lausanne pendant la Seconde Guerre. Partout en France, et bien au-delà, il aura connu un succès considérable avec Julien, créant un numéro de duettistes audacieux et novateur qui marquera une génération entière de chansonniers, inclus sa chanson Dollar, écrite en 1932. Il rencontre ensuite Edith avec qui il va entamer l’aventure du Coup de Soleil. Seuls les aînés se souviennent du rôle joué par Gilles pendant la Seconde guerre mondiale. Son cabaret constituait un point de ressourcement tant pour les Français que pour les Suisses en quête d’oxygène. Entre deux histoires drôles, Gilles y distillait des chansons engagées, sous le nez des fascistes et de la censure.
L'ensemble Swinging Bikinis rend hommage dans ce spectacle musical et théâtral à ce grand humaniste malicieux et passeur courageux. Le fait de le présenter au Théâtre du Jorat n’est pas anodin, sachant que Gilles, à l’époque, n’est pas étranger à sa renaissance après la Seconde Guerre mondiale. Deux de ses pièces y sont créées, Passage de l'étoile (1950) et La Grange aux Roud (1960). L’artiste et l’homme s’unissaient pour éveiller les consciences, en humour le plus souvent, évoquant à la fois le terroir romand et le monde entier, l’amour et la guerre, les blessures et la réconciliation.