Enfant de Mézières, Cédric Dorier présente pour la première fois une de ses mises en scène au Théâtre du Jorat. L’émotion sera d’autant plus forte qu’il a choisi un des classiques du répertoire, une fable intime et universelle : Le Roi se meurt, d’Eugène Ionesco (1909-1994). Emblématique du mouvement du théâtre de l’absurde, cette tragi-comédie créée en 1962 à Paris raconte en direct et en temps réel (une heure quarante-cinq) l’agonie du Roi Bérenger. Le lien avec le monde d’aujourd’hui semble évident, puisque ce souverain règne « dans un pays où l’usure du pouvoir a eu raison de tout, dans un pays où le dictateur ne veut pas céder sa place, dans un pays où la nature semble anéantie par une force implacable et mystérieuse. »
Cette chronique d’une mort annoncée mixe allègrement la terreur quand s’annonce la Grande Faucheuse et l’infinie espérance malgré tout du goût de vivre. D’où ce désir, selon Cédric Dorier, « d’un décor circulaire, monde à la fois ouvert et clos aux multiples interprétations : royaume, couronne royale, système planétaire, carrousel des souvenirs, engrenage d’horlogerie ou de machine infernale ; une scénographie qui permettra tant au ludisme qu’au tragique de s’exprimer tout en avouant le théâtre ».
Eugène Ionesco n’était pas à une pirouette près. Est-ce que disparaître veut vraiment dire ne plus exister ? Et si tout cela – la planète, le cosmos, l’être humain et même le théâtre - n’était en fait « qu’un rêve éveillé, un fantasme que même le temps, qui vient à bout de toute chose, n’aura pu détruire ». Comme le dit Shakespeare, «nous sommes de la même étoffe que les songes et notre vie infime est cernée de sommeil».