Orgueil et sentiments
Voilà bien du théâtre, du vrai et du bon! Il y a d’abord un texte finement tricoté par Alfred de Musset (1810-1857), alors âgé de 24 ans. On y parle d’orgueil et de sentiments, de passion et de trahison, de quête spirituelle et d’abandon mortifiant. Il y a ensuite une équipe de comédiens romands impeccables: ils sont soudés, généreux, parfois drôles, souvent frémissants, dans une scénographie habile et lumineuse. Il y a enfin une mise en scène ferme et délicate de la jeune Fribourgeoise Anne Schwaller (34 ans), sa deuxième seulement.
«La pièce commence comme une farce, se poursuit comme un marivaudage, devient sérieuse dans le grand duo central et se termine en tragédie», dira du drame de Musset la spécialiste Jeanne Bem. L’histoire démarre quand Le Baron voit revenir son fils Perdican et sa nièce Camille. Il entend les marier. Plus jeunes, ils se sont en effet aimés et leurs sentiments ont perduré. Mais voilà que la jeune fille refuse de le reconnaître et veut retrouver son couvent. Perdican lui fait alors croire qu’il aime Rosette, paysanne et soeur de lait de Camille. Laquelle Rosette va tomber dans le piège fatal.
Anne Schwaller dit qu’elle s’est inspirée de sa propre enfance, de celle de ses enfants et de celle des personnages de la pièce: «Perdican, Camille et Rosette ont eu une enfance merveilleuse, dans la nature. Ils sont ensuite allés apprendre la vie, pendant dix ans, Camille au couvent et Perdican à l’université. Lui veut retrouver son enfance, elle l’a oubliée. Pour moi, seule Rosette sait aimer. Elle est restée en liena vec son enfance, avec ce que sa mère lui a appris.»
Anne Schwaller ne peut séparer le théâtre de la vie. Elle questionne ici avec pertinence le temps de la jeunesse, le rapport à l'intime et au collectif, la notion du respect de soi et des autres, hier comme aujourd'hui.