La fragile et cruelle fascination de la Terre promise
Depuis vingt-cinq ans, le Théâtre Spirale (Genève) travaille régulièrement sur la thématique des migrations avec des acteurs, des conteurs, des danseurs et des musiciens, d'ici et d'ailleurs. Avec Eldorado, c'est depuis les pays d'origine que l'on suit l'épopée de ceux qui, au péril de leur vie, quittent leurs terres natales pour tenter d'atteindre la Terre promise. C'est avec une grande intelligence et un sens consommé de la narration que Laurent Gaudé tisse les destins croisés de ces multiples migrants confrontés à l'imperméabilité de la citadelle Europe.
Tout se passe en Méditerranée, mais ce pourrait être au large et au bord d'un nombre incalculable de mers, de plages et même de no man's land à travers le monde entier. A la fin du XXe siècle, on brisait des murs. Au début du XXIe, on en reconstruit, avec ou sans barbelés. Ces migrants sont en fuite, dans l'urgence et la peur. Ils n'avaient quasi rien en partant,ils n'ont de fait plus rien à perdre. Mais ont-ils vraiment tout à gagner dans leur périple si fragile, si dangereux, si cruel suivant les circonstances?
Dans ce spectacle, on y voit une foule en espérance, que tout emporte, y compris la houle. Et face à eux,des fonctionnaires, des militaires, des garde-côtes, des habitants, des humanitaires, tiraillés entre la loi et le coeur. En s'attachant à la dimension méditative de l'immigration plutôt qu'à la part de chaos et de dureté, cette pièce hisse ses héros en figures mythologiques d'une tragédie contemporaine.