La joie grinçante d’un chef-d’oeuvre
Le public du Théâtre du Jorat a vu deux fois ces dernières années le comédien Joan Mompart : dans L’Ecole des femmes de Molière, en 2011, et en 2013 Monsieur chasse! de Feydeau. Mais il est aussi metteur en scène et ses réalisations sont à la mesure de son jeu précis, tonique et inventif. Preuve en est son spectacle L’Opéra de quat’sous, l’un des chefs d’oeuvre de Bertolt Brecht (texte) et Kurt Weill (musique), dans une version épatante créée récemment à la Comédie de Genève.
De scènes parlées en chansons percutantes (nombreuses sont devenues des tubes), L’Opéra de quat’sous dénonce avec une joie grinçante les inégalités, l’exploitation de l’homme par l’homme, et interroge les valeurs tout comme les hiérarchies sociales. C’est une pièce-monde dont les questions ont traversé le siècle comme pour mieux venir nous frapper de plein fouet. Sur scène, un orchestre et deux clans qui s’affrontent : celui des mendiants, mené par Peachum, qui invente des slogans capables de «parler au coeur le plus racorni». Et celui des voleurs, mené par Mack. Entre les deux, des flics corrompus et des putains amoureuses !
La pièce a été créée en allemand en 1928 à Berlin, puis, l’année suivante, en français à Paris. À noter que Brecht (futur fondateur du fameux Berliner Ensemble) quitte l’Allemagne en 1933, suite à l’arrivée des nazis au pouvoir – son oeuvre sera interdite et brûlée quelques mois plus tard.
Ce qui est frappant dans cette version, c’est l’investissement de la troupe des comédiens romands et leur osmose avec l’orchestre d’une dizaine de musiciens. Le compositeur Kurt Weill fait recours à de nombreux styles musicaux comme le choral luthérien, la musique d’opéra, le jazz et la chanson populaire de cabaret. Welcome, Willkommen, bienvenue !